IA Fictions
Visions de l’IA dans la création scénique contemporaine Machines, métaphores, messages
Table ronde - IA Incarnée
03.06 - 11:15

Bio

Izabella Pluta – docteure ès lettres, critique de théâtre et traductrice, actuellement, chercheuse associée au Centre d’études théâtrales et au Laboratoire de cultures et humanités digitales (Université de Lausanne). L’auteur de l’ouvrage L’Acteur et l’intermédialité (L’Age d’homme, 2011), elle a co-dirigé avec Mireille Losco-Lena le numéro de « Ligeia » Théâtre Laboratoires. Recherche-création et technologies dans le théâtre aujourd’hui (janvier 2015). Elle est directrice de l’ouvrage Metteur en scène aujourd’hui – identité artistique en question ? en collaboration avec Gabrielle Girot (PUR 2017), et de ‘Salle d’attente’ de Krystian Lupa (Antipodes, avril 2019). Elle prépare en ce moment une anthologie des textes Scène (post)numérique et organise un colloque international « Limites de l’humain, machines sans limites ? les 6-8 octobre 2021 à l’Université de Lausanne.

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Communication

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Abstract

En 2010, Douglas Rushkoff, théoricien des médias et critique, prononce lors d’une conférence donnée au SXSW Interactive, une phrase difficile à oublier: “Program or be programmed”. Il explique par ce constat que si notre société ne se familiarise pas avec la programmation, nous finirons par ne plus être les programmeurs et les utilisateurs, mais -les programmés. Dans le livre Les robots font-ils l’amour?, Laurent Alexandre et Jean-Michel Besnier se demandentà leur tour: «l’intelligence artificielle va-t-elle tuer l’homme?». Une question qui fait sourire les ingénieurs en informatique mais qui a quelques raisons de se poser. Ils soulignent que l’IA a longtemps été un sujet de création de la science-fiction et que maintenant c’est «une simple question de calendrier» car dans quelques décennies l’intelligence artificielle dépassera les capacités du cerveau humain.

Les conséquences d’un progrès technologique ultra-rapide ne sont pas seulement la préoccupation des chercheurs, théoriciens et constructeurs, mais également des artistes. Ces derniers deviennent sensibles aux idéologies et aux mythologies que le développement technologique fait émerger. Le théâtre s’est prononcé déjà plusieurs fois à ce propos, d’abord par rapport à la technique puis à la technologie, en intégrant ses propres moyens d’expression. Citons des pièces des années 1910-20 comme Poupées électriques (1909) de Thommaso Marinetti, R.U.R (Rossum’s Universal Robots) (1921) de Karel Čapek ou encore The Adding Machine (1923) d’Elmer Rice. Le spectacle contemporain quant à luinous invite à une multitude dedispositifs technologiques qui servent aux artistes à se positionner sur la question de l’intelligence artificielle en créant à la fois des messages d’alerte et des spéculations d’un futur possible. Une création scénique privilégie une transposition, une métaphore, un symbole tout en faisant recours aux dispositifs de plus en plus complexes et même aux prototypes. Marco Donnarumma et Margherita Pevere se prononcent, par exemple, sur la prosthétique et les neurosciences dans la chorégraphie Eingeweide. Ils y parlent du corps mixte, charnel et technologique. En effet,le danseur porte une prothèse artificielleéquipéederéseaux neuronaux imitant le système sensori-moteur des animaux. Stefan Kaegi dans son Uncanny Valley débat du problème de la disparition de la figure de l’écrivain qui dans cette mise en scène est remplacé par un robot humanoïde, une réplique animatronique de l’auteur Thomas Melle. Kris Verdonck dans SOMETHING (out of nothing) discute la place fragile de l’homme parmi les objets technologiques et la dégradation de la nature. Combien de temps encore allons-nous nous réjouir du paysage dans lequel nous vivons?-se demande Verdonck. Un autre exemple, le spectacle-installation Artefact réalisé par Joris Mathieu présente un monde peuplé de machines. Ce dispositif immersif combine théâtre optique, technologie des imprimantes 3D et bras robotique. Le spectateur regarde trois installations où il entend une voix synthétique prononçant des dialogues de Beckett et où l’acteur humain a été effacé.

A travers quelques exemples de spectacles, nous souhaitons étudier ces quelques questions liées à l’intelligence artificielle. Résisterons-nous au séduisant pouvoir des machines que nous fabriquons ? Quelles sont les frontières entre l’humain et l’intelligence artificielle? Comment se réapproprier leprésent pour devenir les acteurs du monde à venir? Quel message nous transmet la scène contemporaine à ce sujet?

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