AI Fictions
Des fictions très réelles: mythe d'objectivité des intelligences artificielles et développement contemporain d'algorithmes de "justice prédictive"
05.06 - 11:15

Bio

Camille Girard-Chanudet est doctorante en sociologie au Centre d’Étude des Mouvements Sociaux de l’EHESS. Sa thèse, intitulée « La fabrique sociale de l’Intelligence Artificielle, conception et mise en œuvre d’une ‘justice prédictive’ » la conduit à enquêter sur les dynamiques de structuration d’un nouvel espace social au carrefour des mondes de la justice, de l’entreprenariat et de l’informatique, ainsi que sur les enjeux économiques, politiques et opérationnels accompagnant le développement de ces nouveaux instruments.

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Communication

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Abstract

Cette proposition de communication vise à mettre en évidence lesliens unissant les représentations culturelles de l’«Intelligence Artificielle», charriées par de nombreuses productions artistiques et fictionnelles,et les modalités actuelles de développement d’outils techniques qualifiés comme tels. En combinant les apports des sociologies de la culture et des sciences et des techniques, il s’agira de montrer la prégnance des imaginaires culturels entourant l’Intelligence Artificielle dans le cadrage desprocessus contemporains de conception et de mise en œuvre d’outils algorithmiques dits «intelligents».

On abordera cette problématique à partir d’un point d’entrée spécifique: celui de l’imbrication du mythe culturellement construit de l’«objectivité» des intelligences artificielles dans le développement d’algorithmes d’intelligence artificielle de «justice prédictive».

Les représentations fictionnelles d’êtres-machines créés de main humaine et dotés d’une intelligence autonome servent de longue date de terreau aux imaginaires collectifs. Qu’ils soient craints ou admirés, ces êtres artificielsle sont souvent en raison de leurs capacités cognitives supérieures, composées deconnaissances quasi-absoluesassociées à des facultés de traitement logique extrêmement performantes. Ces caractéristiques entourent les décisions de ces entités d’un halo d’objectivité inaccessible aux êtres humains, dont les actionssont biaisées par des intérêts subjectifs et des capacités perceptives et cognitives limitées.

Cette même idée d’objectivité des outils d’intelligence artificielle est largement mobilisée en appui des expérimentations d’outils de «justice prédictive» actuellement conduites en France. Les discours politiques et commerciaux sous-tendant leur développement s’inscrivent dans un cadre présupposant la neutralité et l’impartialité de ces instruments, qualités sensées palier à la faillibilité de juges humains dont les décisions sont susceptibles de varier en fonction du contexte. Ces représentations tendent de fait à invisibiliser l’importance pour le fonctionnement de ces outils des décisions socialement situées de leurs concepteur·trices.

Issue de l’enquête de terrain menée dans le cadre de ma thèse en sociologie, cette proposition de communication s’ancre dansl’étude de deux matériaux distincts.

D’une part, les représentations fictionnelles de l’objectivité des intelligences artificielles juridiques seront principalement abordées par le biais de la nouvelle Minority Report (1956) de Philipp K. Dick ainsi que de son adaptation éponyme au cinéma par Steven Spielberg en 2002. Le monde exempt de crime de cet univers fictionnel est le résultat de l’activité prédictive de trois precogs, mutants visionnaires omniscients connectés à de super-ordinateurs.

D’autre part, la structuration des débats autour de l’idée d’objectivité dans la construction et la mise en œuvre contemporaine d’outils d’intelligence artificielle juridique sera appréhendéesur la base d’entretiens conduits avec les acteurs du secteur (data scientists, entrepreneur·ses, magistrat·es, avocat·es, N=40) ainsi que d’une analyse de corpus documentaires (rapports gouvernementaux, rapports d’activité, brochures de communication, discours...).

Cette proposition cherchera ainsi à montrer que si la techniquealargement nourri uneproduction culturelle fascinée par l’émergence d’outils «intelligents», cette analyse peut également être inversée. Les représentations fictionnelles nourrissent en retour les acteursimpliqués dans la conception contemporaine d’outils d’intelligence artificielle, en contribuant à orienterles débats et les cadres dans lesquelles celle-ci s’inscrit.

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