Bio
Nikoleta Kerinska est artiste multimédia, chercheur et enseignant d'art numérique. Sa ligne principale de recherche concerne l’art numérique interactif, la réalité virtuelle et l’utilisation de l’intelligence artificielle dans des projets artistiques. Son activité artistique s'inspire des convergences et divergences de la communication homme - machine, ainsi que des échanges entre langage naturel et image. Actuellement elle est Maître de conférences à l’Institut d’Arts, Département d’Arts Visuels de l’Université Fédérale de Uberlândia (Brésil).
Communication
Abstract
Cette réflexion découle d’une recherche à la fois théorique et pratique, qui cible l’usage detechniques d’intelligence artificielle dans le domaine de l’art. Le concept de l’agent intelligent,considéré comme fondamental, est interrogé à partir de la théorie de Minsky, selon laquellel’intelligence résulte de la somme d’agents, qui agissent et interagissent dans un ou plusieurs butscommuns. Du point de vue de l’informatique, un agent intelligent est un objet utilisant certainestechniques de l’intelligence artificielle qui lui permettent d’adapter son comportement à sonenvironnement tout en mémorisant ses expériences, de se comporter comme un sous-systèmecapable d’apprentissage. L’agent peut aussi enrichir le système qui l’utilise en ajoutant, au cours dutemps, des fonctions automatiques de traitement, de contrôle, de mémorisation ou de transfertd’informations. Pour qu’un logiciel soit considéré comme un agent intelligent, il doit contenir un ouplusieurs des éléments suivants: une base de connaissance prédéfinie, un moteur d’inférence luipermettant de tenir des raisonnements plus ou moins complexes, un système d’acquisition deconnaissances ou un mécanisme d’apprentissage.
Dans le cadre de cette étude, notre attention se porte sur les agents dont la spécificité est demener une conversation avec le public par le biais du langage naturel. Ce type d’agent est connusous le terme de chatter-bot, ou encore chat-bot, en français ‘robot conversationnel’. Les chatter-bots sont très souvent destinés à plusieurs fonctions, comme l’aide à la navigation sur des sitesinternet, aux call centers ou à l’administration de n’importe quel service d’information. Leursméthodes de communication sont majoritairement textuelles et parfois auditives. Conçus dans desbuts artistiques, ces agents peuvent prendre différentes formes visuelles. Animés par un logiciel etcapables de fournir des réponses cohérentes, ils se formalisent en tant qu’œuvres interactives parleurs capacité de dialoguer. Dans la conversation, les agents posent des questions, racontent deshistoires, expriment leurs préférences, goûts et désirs, extériorisant ainsi leur univers. En outre, dansle dialogue, les agents simulent une certaine plasticité de raisonnement, ils se présentent comme descréatures artificielles, dotées de la parole en affirmant leur identité.
Trois œuvres ont été sélectionnées comme objet d’étude: Agent Ruby de Lynn Hershmann,Sowana, projet du collectif artistique Cercle Ramo Nash (Paul Devautour et Yoon Ja), et CSS,développé par Nikoleta Kerinska et Rafael Carlucci. L’agent Ruby est l’alter-ego virtuel dupersonnage homonyme du film Teknolust; Sowana est un experte en art, qui remet en question toutce que nous savons sur l’art tout en défendant l’impossibilité de définir ce qui est l’artd’aujourd’hui; CSS est un spécialiste des sensations corporelles, dont l’aspiration la plus profondeest de connaître toutes les sensations du corps humain.
Initialement, notre intention est de décrire les principes de fonctionnement de ces créatures,et de comprendre pourquoi elles constituent une catégorie d’œuvres rare et atypique. Il s’agitnotamment de la problématique ‘langage-identité’, qui est mise en œuvre par leurs modesinteractifs. A plus forte raison, ces agents sont analysés comme personnages fictionnels, qui seconstruisent par le biais du langage, mais indépendamment d’un récit. La question qui se pose est lasuivante: comment peut-on considérer leur statut par rapport aux personnages des fictionscinématographiques et littéraires? En guise de conclusion, ils sont envisagés dans une perspectiveartistique, qui nous permet de rediscuter certaines caractéristiques de leur nature poétique. Noussommes convaincus que les agents intelligents en tant qu’œuvres d’art posent une série de questionssur les fictions artistiques, sur l’échange entre l’intelligence humaine et celle de la machine, ouencore sur les possibilités de créer des machines consacrées à l’expérience poétique.